Diplômé d’une grande école de commerce, c’est à l’issue d’un stage dans le design que François Farion trouve sa voie. Il commence par explorer le design sous toutes ses formes : design graphique (logo, packaging, etc.), design d’objet (mobilier de bureau), avant de retrouver sa passion de longue date : le design automobile. Après une expérience chez PSA et Nissan aux Etats-Unis et au Japon, il rejoint le Groupe Renault début 2018 en tant que Directeur Design Couleurs et Matières. Aujourd’hui, il dirige une équipe de quinze personnes et gère des équipes couleurs et matières dans le monde entier. Entre réunions et déplacements dans les usines ou chez les fournisseurs, François Farion nous présente les spécificités de son poste et de son métier.
Quels sont les enjeux du design chez Renault aujourd’hui ?
Mon objectif est d’accélérer l’évolution du design Renault. Depuis l’après-guerre, Renault est vue comme une marque très populaire, c’est-à-dire que l’entreprise commercialise des véhicules abordables, accessibles, avec des choix en lien avec ce positionnement. L’arrivée de la gamme Dacia au début des années 2000 et sa progression commerciale rapide a obligé Renault à se repositionner avec une offre qui soit plus valorisante vis-à-vis du client. L’avènement de l’électrification et de l’autonomie vont faire évoluer profondément notre état d’esprit et nos marques. Cela a débuté par le design extérieur, largement renouvelé -avec succès- par Laurens van den Acker. Mais on a aussi assisté à une révolution de la qualité et des matériaux à l’intérieur des véhicules. Aujourd’hui, c’est tout le design intérieur, tant du point de vue de la technologie que des matériaux, qui est en cours de révolution. Ce sont les aspects sur lesquels nous travaillons en ce moment et dont vous verrez les fruits sur la nouvelle Clio en 2019 et au-delà. En termes de technologie, nous travaillons sur l’interface entre l’utilisateur et les matériaux, l’intégration des écrans, de la lumière dans le véhicule. Nous recherchons des matériaux capables de mettre en valeur le design, afin de construire un intérieur confortable, plus proche de l’habitat, car on passe de plus en plus de temps dans sa voiture.
Quelles sont vos sources d’inspiration pour créer de nouveaux designs ?
La plupart des designers vous diront que tout est source d’inspiration ! Mais plus personnellement, j’ai diverses passions que je mène en parallèle : la photographie, les voitures, les motos, je fais du vélo, j’aime aussi beaucoup l’audio et la hi-fi, qui ont connu de grandes révolutions d’usage, avec les enceintes connectées. Suivre l’actualité de tous ces secteurs influence ma création et m’inspire par exemple pour créer de nouveaux tissus, de nouvelles finitions qui interagissent avec la technologie. J’ai vu beaucoup d’expositions à Tokyo et je fais de même aujourd’hui à Paris. Mon bloc-notes, c’est souvent mon appareil photo ou mon smartphone, avec lesquels je capture tout ce que je vois d’intéressant. Il peut y avoir le design d’habitat ou encore la mode, même si j’ai moins d’affinités avec celle-ci car elle est plus diverse et éphémère, donc moins facile à transposer dans le domaine automobile. Mais d’autres membres de mon équipe la suivent attentivement !
Quelles sont les tendances actuelles en termes de couleurs et matières ?
Il y en a beaucoup, émergentes ou confirmées, mais je donnerais trois exemples :
- Le bi-ton, c’est-à-dire un toit d’une couleur différente de la carrosserie. C’est une tendance qui avait disparu depuis les années 50 et que Mini a remis au goût du jour au début des années 2000 avec des toits noirs ou blancs. Cette tendance a aidé chez Renault à forger le succès de Captur par exemple.
- Des métaux plus chaleureux : jusqu’à récemment, tout était acier, noir ou aluminium. Désormais, les pièces de moto par exemple peuvent prendre une teinte bronze, ou titane utilisée pour la compétition. On a vu apparaître petit à petit le cuivre, le laiton, ainsi que le chrome qui est devenu « satin » plus doux en reflet et au toucher. Ces finitions s’appliquent aussi bien en teinte de caisse extérieure qu’en intérieure, en logo, après avoir envahi la joaillerie. C’est par exemple le travail qui a été réalisé sur EZ-ULTIMO, avec une couleur champagne mat en extérieur et des touches de laiton en intérieur.
- La personnalisation, qui est un réel enjeu pour le consommateur, mais une vraie difficulté pour les marques. Car la diversité des décors intérieurs est complexe à gérer d’un point de vue industriel, où l’on est davantage axé sur les volumes.
Qu’est-ce qu’un design réussi ?
Cela dépend de quel point de vue on se place. Si c’est celui de Thierry Bolloré, Directeur Général délégué du Groupe Renault ou du directeur de programme, c’est évidemment un design qui connaît le succès, c’est-à-dire qui touche un maximum de personnes, qui se vend bien et qui est profitable pour le Groupe. Il faut donc donner envie au public d’acheter.
Mais un design réussi, c’est aussi quand on arrive à imposer quelque chose d’inattendu pour le client Renault et dont il se souviendra plusieurs années plus tard. Par exemple, la teinte « Jaune Miel » qui a été lancée sur le Nouveau Scénic ou la teinte « Orange Atacama » sur le Nouveau Duster, rencontrent des performances inattendues pour ces couleurs. Les touches de couleur verte sur la première Twingo, ou les tiroirs colorés du Captur en sont d’autres exemples, originaux mais très populaires. Nous avons réussi à proposer à nos clients des couleurs qui égayent le paysage automobile, majoritairement gris, noir et blanc. Pour moi, c’est un exemple de design réussi car on a touché notre public et en même temps renouvelé l’offre, en donnant une image innovatrice et vivante de Renault grâce aux couleurs et matières.
Les principales étapes de la création d’un nouveau designLe développement d’un nouveau design suit le processus de l’ensemble de la voiture, soit 2 à 3 années.
Le process est différent s’il s’agit de design intérieur ou extérieur.
Il faut être prêt 6 mois avant la sortie du véhicule de manière à pouvoir faire les essais en usine.
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