Renault Group

Centre technique d’Aubevoye : 40 ans d’histoire(s) et de passion automobile

28 juin 2022
5 MIN
Héritage

Caché dans la forêt de l’Eure, au cœur des boucles de la Seine Normande, le Centre technique d’Aubevoye (CTA) est un endroit secret de Renault Group. Classé confidentiel, ce site accueille tous les prototypes des marques du Groupe pour valider leur développement. Alternant essais statiques et dynamiques, mise au point et endurance, c’est ici que les nouveaux modèles sont certifiés avant d’être lancés sur les marchés. Construit en 1982, le CTA fête aujourd’hui ses 40 ans. Des générations de femmes et d’hommes passionnés se sont succédé pour écrire l’histoire de tout un site, mais aussi d’une région et d’un système industriel exceptionnel. Au travers des espoirs et des difficultés, des efforts et des succès, ces 40 ans marquent la fierté de chaque collaborateur et tracent l’histoire des modèles qui ont fait leurs premiers tours de roues à Aubevoye.

PAR FLORENTINA DECA & DELPHINE ROSAIN-BOUSSIQUET
Centre Technique d’Aubevoye

A l’approche de la ville de Gaillon sur la Départementale 6015, seule la forêt se distingue à gauche et à droite de la route. Avant de croiser le panneau qui affiche la direction du Centre technique d’Aubevoye (CTA), aucun indice ne trahit la présence de ce site de Renault Group. Un centre technique unique et singulier qui dispose de moyens et d’outils à la pointe de la technologie pour reproduire la palette de sollicitations que les voitures subiront une fois aux mains des clients. 613 hectares, 35 pistes rassemblées sur 60 km, 42 bancs d’essais, 2 souffleries, 18 enceintes de corrosion, le tout caché derrière 272 hectares de forêt qui protègent les voitures en développement des regards curieux.

Ici, seuls les initiés peuvent entrer. Mais pour célébrer les 40 ans de ce site où la magie opère à chaque pas et chaque virage, nous vous convions à des portes ouvertes virtuelles, à la découverte de nombreux secrets !

Tous les modèles de Renault Group sont testés au Centre technique d’Aubevoye

Les pistes d’Aubevoye : 6 millions de km d’essais par an !

Si aujourd’hui le circuit le plus long au calendrier de Formule 1 mesure 7,004 km, tenez-vous bien : le réseau de pistes d’Aubevoye se déploie sur plus de 60 km qui reproduisent tous les types de réseaux routiers connus dans le monde. Construits entre 1982 et 2000, les différents circuits et différentes routes feront rêver les amateurs de sensations fortes par leur surfaçage, leur sinuosité ou bien encore leur déclivité. Mais ici, au-delà du plaisir pour les essayeurs de tester les prototypes Renault, Dacia ou Alpine, les enjeux sont bien clairs : écouter chaque bruit, tester chaque élément, de la direction aux suspensions, en passant par l’endurance et le comportement routier.

Pour bien répertorier les endroits pendant les tests, nous utilisons une méthode bien connue des amateurs de circuit : le nommage des virages.

Frédéric
Responsable des pistes au Centre technique d’Aubevoye

Sur la piste de comportement sec, chaque virage porte un nom bien défini. Ne soyez pas étonnés, tout a une explication ! Commençons par la « patte d’oie ». A l’entrée du circuit, la piste bifurque à gauche et à droite. Ce qui crée le dessin d’une patte d’oiseau. Poétique et métaphorique ! Le virage suivant est baptisé « le doigt de gant ». C’est on ne peut plus logique car il ressemble bien à… un doigt de gant, bien rond. Pour définir le virage le plus rapide du circuit (plus de 200 km / h), les responsables de pistes ont mis à l’honneur un pilote au destin tragique, le double champion du monde de Formule 1 dans les années 50, Alberto Ascari. Ensuite, référence à l’autodrome de Linas-Montlhéry, avec les deux virages qui ont hérité du nom des « Boucles des Biscornes ». Le « virage de la ferme » se rajoute aux curiosités, puisque les photos historiques témoignent de la présence d’une ferme qui se situait aux abords de cet endroit. Et pour finir, le célèbre « pif-paf de sortie » qui ne nécessite pas de présentation, on voit l’image en entendant son nom. Utilisée pour la mise au point du châssis, cette piste de 3,9 kilomètres est idéale pour réaliser toute une batterie des tests : calage du train avant et arrière, liaison au sol, endurance des freins, fiabilité et motricité, réaction à la dérive. La piste de comportement mouillé est complémentaire à celle-ci et vient enrichir cette série des tests.

Essai de l’Alpine A110 S sur la piste de comportement mouillé

De Rome à Bruxelles, en quelques secondes

Partons maintenant à la visite de quelques capitales européennes. C’est facile, il suffit de suivre les panneaux indicateurs qui indiquent des noms comme Rome, Bruxelles, Madrid et Londres. Il s’agit en fait de marquer l’entrée dans le « centre-ville », une piste qui mesure un peu plus de 2 kilomètres et reproduit les conditions de conduite urbaine : feux rouges, stops, ralentisseurs et de nombreux carrefours. En quelques secondes, nous passons de Rome à Bruxelles. Bon voyage !

La Mégane E-TECH Electric sur la piste « centre-ville », passant de Rome à Bruxelles

Passons ensuite à l’anneau de vitesse. Comme son nom l’indique, c’est ici que la vitesse maximale est atteinte sur le circuit. Les pilotes peuvent pousser le moteur jusqu’à 250 km/h, avec des virages relevés qui permettent d’atteindre les 180 km/h, sans tourner le volant. Tous les tests d’aérodynamique sont réalisés ici. Mais il y a une curiosité qui mérite d’être mentionnée. Sur ce circuit, 16 énormes ventilateurs sont placés au bord de la route et simulent le vent, allant de 14 à 72 km/h afin de vérifier la stabilité de chaque modèle et calculer l’écart de trajectoire. Pour les véhicules utilitaires, à cause de leur poids important, une béquille électronique est ajoutée pour garder la stabilité sur l’autoroute. A noter que comme sur un véritable circuit, sur l’anneau de vitesse on circule dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Hémisphère gauche du cerveau, circulation sanguine du cœur, force centrifuge, tradition romaine, autant de légendes et de suppositions pour donner une explication à ce phénomène. Ce qui est certain c’est que personne ne connait (encore) la réponse exacte. Mais c’est comme ça !

Et pour changer de registre, les fortes pentes, la moyenne montagne et les pistes tous chemins sont bien sûr également présentes à Aubevoye, pour tester les différents modèles, dont les 4x4. Plus de 40 mètres de dénivelé pour la montagne et autant de croisements de ponts, de trous de bombes, de chemins arpentés pour vivre les sensations les plus fortes du tout-terrain. La particularité de la piste tous chemins est que la distance est totalement inconnue. Et pour partir aux essais, la légende dit qu’il ne faut jamais s’aventurer seul ou être (au moins) bien équipé ! Sur ces pistes, la motricité de nos modèles est mise à rude épreuve. Une autre belle curiosité ? Sur la route nationale, les fortes pentes et la moyenne montagne, il y a autant de virages à gauche qu’à droite.

Dacia Duster teste sa motricité sur une piste tous chemins

Des pistes extrêmes pour la durabilité

Avant de quitter les pistes, petit détour par quelques endroits où nos véhicules sont torturés. Afin de reproduire tous types de route et simuler les conditions météorologiques de chaque pays, le CTA est doté de pistes extrêmes. Par exemple le tunnel de poussière, qui réplique les conditions trouvées en Argentine, un pays avec un niveau de poussière très élevé. Pour les pays soumis à de fortes précipitations, le gué d’eau mesure 24 centimètres de profondeur auxquels il faut ajouter des trous de 6 centimètres. Au total, les différents modèles testés doivent résister aux chocs provoqués par la traversée des 30 centimètres d’eau. Une gigantesque « flaque d’eau » artificielle de 3 mètres sur 3 a également été créée, pour s’assurer qu’aucun dégât n’est provoqué sur la voiture, même quand elle passe dedans à 80 km/h.

Vous l’aurez compris, les pistes d’Aubevoye comportent autant de curiosités que de kilomètres. Si les essais dynamiques sont essentiels pour vérifier le comportement routier, les essais statiques sont indispensables dans la phase de conception des nouveaux véhicules. Au Centre technique d’Aubevoye, les nombreux bâtiments accueillent des outils et moyens que l’on n’imagine pas exister. Petite découverte rapide des mises au point qui conditionnent le développement de chaque modèle.

 

De la table traçante aux ordinateurs, des évolutions qui ont marqué leur temps

Rien de plus normal que de se demander comment les tests étaient réalisés avant l’apparition des ordinateurs et logiciels de calcul. La réponse se trouve à Aubevoye, où Jean-Marc, expert tests et méthodes, nous explique : 

Il est loin le temps où des tables traçantes servaient à enregistrer les paramètres des essais sur les premiers bancs à rouleaux du CTA ! Mais le but n’a pas changé : offrir aux clients les consommations les plus basses sans sacrifier les performances. Les moyens d’essais ont évolué continuellement pour répondre aux réglementations de plus en plus sévères et à l’évolution des technologies : motorisations hybrides, électriques, à hydrogène… Ce sont maintenant des centaines de paramètres qui sont mesurés pour analyser et optimiser le rendement des véhicules.

En 40 ans, les ordinateurs ont aussi remplacé les bandes magnétiques pour enregistrer les bruits.

Aujourd’hui tout est mesuré, même le silence. Pour chaque modèle, la qualité acoustique à l’intérieur de l’habitacle mais aussi en extérieur est bien surveillée pour offrir le confort maximal aux clients et répondre aux différentes réglementations. Les ondes électromagnétiques sont également contrôlées dans d’étranges chambres dites anéchoïques et semi-anéchoïques, situées au cœur du laboratoire Compatibilité Electromagnétique construit en 2005. Chambre son, chambre radiofréquence, chambre mutisme et immunité, toutes ces innovations contribuent à éviter les perturbations électromagnétiques et à valider les nouvelles fonctions connectées sans cesse plus complexes des véhicules.

Les bancs d’essais, les souffleries, les centres de corrosion font aussi partie de ce centre unique. Les voitures sont soumises à des sollicitations répétées afin de tester le vieillissement. Brouillard salin, souffleries climatiques chaudes ou froides reproduisant des températures allant de – 30 à + 55°C, avec des vents à 230km/h, le but est de reproduire en quelques mois seulement des années d’usage clients de toutes les régions du monde, y compris les plus sévères.

Et pour conclure sur l’histoire de ce site exceptionnel, voici encore quelques curiosités à noter :

  • Pour chaque arbre coupé lors de la construction des pistes et bâtiments, trois autres ont été plantés à l’intérieur et à l’extérieur du site.
  • Du fait des nombreux hectares de forêt qu’accueille le centre, un service de gestion forestière existe pour son entretien et... pour la vente du bois.
  • 2300 voitures en fin de vie ont été recyclées l’année dernière grâce à une plateforme unique de recyclage présente sur le site.
  • Les présentations design sont réalisées sur ce site qui offre un réseau de pistes à l’abri des regards curieux et téléobjectifs indiscrets.
  • Le chemin de ronde de sécurité fait 14 kilomètres.
  • Un nouveau banc d’essais, unique en France, est en phase de démarrage : il allie mesure consommation-pollution, plage de température étendue et simulation solaire.

Découvrez en images les principales étapes de construction de ce site devenu un point de passage incontournable pour l’ensemble des véhicules de Renault Group.

Le Centre technique d’Aubevoye est construit en 1982
Les premières pistes sont créées en 1982 - anneau de vitesse, piste de comportement, aire d’évolution, piste de travail etc
Les premiers bancs à rouleaux sont installés en 1983 pour faire les mesures et homologation de consommation – pollution ; depuis de nombreuses rénovations, modifications et remplacements ont eu lieu]
Les voitures sont testées avec les moyens de l'époque
De nombreuses expositions ont été organisées sur le site d’Aubevoye toutes ces années
Construction en 2000 des fortes pentes, moyennes montagnes et de la route nationale
2020 – Mise en service d’un nouveau banc conso-autonomie climatique (-30 / +50C avec simulation du soleil