Saga E-TECH Episode 1 : DES LEGO ET DU CULOT
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Aux sources de Renault E-TECH
Des LEGO et du culot
DES LEGO ET DU CULOT
#1 Un Noël studieux
A l’époque, Renault se lance dans le véhicule électrique mais cherche dans le même temps à développer une technologie d’électrification alternative, qui permettra à de nombreux clients d’effectuer une transition douce vers le 100% électrique. Plusieurs solutions techniques sont envisagées mais il faut proposer à la direction de l’entreprise LA solution hybride idéale qui réponde au cahier des charges demandé : accessible, légère, adaptée à des véhicules de tous gabarits et qui permette de rouler au moins 50 kilomètres en tout électrique. De l’hybridation efficace et pour tous en somme.
Nicolas Fremau en est convaincu : cela passe par la nécessité de considérer le moteur électrique comme le moteur principal, celui qui assurera le démarrage du véhicule. Le moteur thermique viendra ensuite en renfort pour apporter de la puissance aux roues sur les longues durées. Et quelle transmission entre les deux ? L’obligation est de faire simple, compact et léger. Expert en la matière, Nicolas Fremau imagine une solution radicale : se passer d’embrayage et même de synchroniseurs de boîte. Il existe une technologie qui permet cela, celle des crabots, utilisée notamment en sport automobile. C’est aussi une « spécialité » Renault puisque c’est en installant une boîte à crabots en prise directe sur le moteur de sa Type A qu’en 1898 Louis Renault réussit à gravir l’abrupte rue Lepic à Montmartre, lançant l’aventure commerciale de la marque.
« Eurêka » peut se dire alors Nicolas Fremau, mais encore faut-il réussir à modéliser cette transmission qui pour le moment n’existe que dans sa tête.

#2 Emboîter, percer, coller

Le démarrage d’un projet d’innovation est toujours un moment compliqué ! Comment faire pour sentir si une idée va vraiment marcher ? Pour cela il n’y a pas de recette déjà écrite. Il faut d’abord comprendre, à chaque pas, s’il y a un bug ou si ça a des chances de fonctionner ! Mais surtout, il faut trouver la manière d’aller au-delà des petits dessins faits sur un papier, un peu comme dans les publicités Guy Degrenne. Alors pour matérialiser ce système, j’ai eu l’idée de cette petite maquette LEGO, d’abord pour m’aider moi dans la compréhension de ce qu’il fallait faire. Après une vingtaine d’heures de ‘travail’ sous l’œil un peu étonné de mon fils, la maquette était née.
#3 Si on peut le faire en LEGO…
Nicolas Fremau s’adresse alors à plusieurs personnes de son entourage professionnel : Ahmed Ketfi-Cherif, spécialiste du contrôle, pour vérifier que les transitions entre les différents modes étaient possibles avec de simples crabots ; Antoine Vignon, spécialiste en conception de boîtes de vitesses, pour vérifier que l’on pourrait bien faire un dessin industriel de ce nouveau système ; Sid Ali Randi, spécialiste des moteurs électriques, pour vérifier qu’il saurait adapter un moteur à cette transmission. Face à cette demande surprenante, toutes ces « pointures » doivent prendre quelques jours de réflexion. Il leur faut étudier les schémas, analyser la maquette, écouter les explications de Nicolas. Mais tous les trois finissent par lui dire « Oui, c’est possible ! ».
Avec sa maquette en LEGO et son schéma de fonctionnement désormais validé, Nicolas Fremau a sans doute mis au point le prototype le moins cher de l’histoire de Renault. Un prototype baptisé LocoDiscoBox au moins aussi surprenant et inattendu que la solution technique était innovante. Qu’allaient en dire les dirigeants à qui cette maquette allait être présentée, Rémi Bastien et Gérard Detourbet (décédé en 2019), le « papa » de la gamme Dacia qui s’y connaissait en solutions simplifiées et à bas coût ? A l’époque Directeur de gamme M0 (programme "Entry"), il répétait souvent en réunion « Cessez d'ajouter des éléments et des coûts, pensez plutôt à supprimer, remplacer ou simplifier ! ». N’empêche, le pari était hautement risqué.
Le jour où j’ai amené la maquette à Remi Bastien et Gérard Detourbet, je ne savais pas comment ils réagiraient. Mais Renault a toujours été une entreprise très ouverte, alors j’ai tenté ma chance à la fin d’une réunion projet. Pari gagné, ils ont dit banco ! Gérard Detourbet a même eu cette réflexion :
« Si on peut le faire en LEGO, c’est que ça marche ! »
Mais ce feu vert n’avait rien d’un cadeau. Il a fallu prendre l’engagement de donner vie à ce concept dans une voiture qui roule en 14 mois seulement !
Nicolas Fremau
Expert chaine de traction et hybride
Après cet accord inespéré, la première initiative a été de contacter le service juridique de Renault en misant sur sa réactivité pour protéger cette transmission inédite avec un premier brevet. Ce qui fut fait dans un délai très court. Soulagement ! Mais pour Nicolas Fremau, Antoine Vignon, Ahmed Ketfi-Cherif, Sid Ali Randi et une petite équipe de passionnés engagés sur la voie de l’hybride au sein de l’ingénierie Renault, le plus dur commençait.