La majeure partie des véhicules neufs, de leurs moteurs, de leurs batteries sont encore aujourd'hui principalement construits à partir de matières premières vierges : acier, aluminium, cuivre, lithium, etc. Les vieilles voitures, elles, ne sont que partiellement recyclées. Pis, le peu de pièces ou de matières récupérées avant broyage servent surtout à la création d’objets étrangers au secteur automobile.
Un constat qui oblige à repenser les processus de mise en place de boucles d’économie circulaire vers des boucles fermées, c’est-à-dire de l’automobile vers l’automobile. Relever ce défi est une composante de la transformation de Renault Group en entreprise automobile de prochaine génération et une des conditions pour viser la neutralité carbone en 2040 en Europe et d’ici 2050 à l’échelle mondiale.
L’accélération du recyclage de matériaux venus d’anciens véhicules pour en fabriquer de nouveaux s’explique par la hausse du prix des matières premières ainsi que les tensions sur la disponibilité de certains composants. « Le contexte business est beaucoup plus incertain, et rend d’autant plus légitime l’emploi de matières recyclées », souligne Jean-Philippe Bahuaud, CEO de The Future Is NEUTRAL, entité spécialisée dans les solutions d’économie circulaire créée par Renault Group.
Dévoilé en 2022, le concept Renault Scénic Vision traduisait le plan de décarbonation du groupe et de la marque sur l’ensemble de son cycle de vie, notamment ses innovations en matière d’économie circulaire.
Une stratégie matérialisée depuis avec le modèle de série, Nouveau Scénic E-Tech electric, un véhicule familial électrique Renault qui emploie jusqu’à 24 % de matériaux recyclés (chutes d’aluminium, bouteilles en plastiques, etc.) et est recyclable à 90 % de sa masse - batterie incluse - dans des filières de recyclage industrielles où ses anciennes pourront être recyclées à leur tour, par exemple dans des voitures neuves.
« Il y a quelques composants qui demeurent assez rétifs au recyclage, comme les mousses polyuréthanes ou les joints », explique Cléa Martinet, VP Group Sustainability. Le ton est donné. Recycler en boucle fermée implique des défis technologiques à dépasser et des écueils à surmonter.
Parmi ces défis, celui de l’éco-conception est l’un des plus importants. L’éco-conception vise à privilégier des pièces composées d’une seule matière afin de simplifier le processus de recyclage. Par exemple, en fabriquant des sièges constitués à 100 % de plastique polyester en dehors de la structure métallique. « Cela permet de recycler intégralement à bien moindre coût et avec moins d’énergie, donc avec une plus faible empreinte carbone », explique Cléa Martinet.
L’empreinte carbone du recyclage est en effet un écueil potentiel majeur. Le recyclage doit être techniquement possible et utiliser des processus faiblement carbonés. La solution est alors de privilégier le recyclage mécanique pour le plastique ou le recyclage par des fourneaux alimentés par une électricité bas-carbone pour l’acier.
Le plus grand défi pour l’ensemble du secteur est un élément-clé de la voiture électrique : sa batterie. Déjà industrialisé en Asie, le recyclage dit « en boucle fermée » ne l’est pas encore en Europe.
Et, selon Jean-Philippe Bahuaud, l’industrialisation de ce procédé pourrait débuter sur le Vieux Continent à partir de 2025 ou 2026. « Renault Group a mis des batteries électriques sur le marché dix ans avant les autres avec la Fluence Z.E.et la ZOE. Nous serons donc le premier constructeur à voir ses batteries en fin de vie revenir pour être recyclées », précise-t-il en soulignant le rôle « incontournable » joué par le groupe sur cet enjeu de taille.
Pour réussir la mise en place de telles boucles d’économie circulaire, il convient également de coordonner l’ensemble des maillons de la chaîne. Les acteurs de la collecte de matière, ceux du broyage et ceux de la transformation doivent être en liens successifs et alimenter les fournisseurs du milieu automobile voués à les récupérer. Et, comme le dit si justement Jean-Philippe Bahuaud : « Il faut aussi garantir la disponibilité des matières à recycler, et pour cela, il faut mettre en place des boucles courtes opérationnelles et efficaces ».
The Future Is NEUTRAL a déjà commencé à travailler en nouant des alliances au sein de son écosystème pour la récupération et le démantèlement des véhicules en fin de vie dans le réseau Indra, précurseur dans le recyclage automobile. Le recyclage des matières (plastique, cuivre, platinoïdes, etc.) est lui effectué par GAIA, une entreprise implantée à Flins, au cœur de la Refactory de Renault Group. Enfin, la récupération des chutes d’acier est le domaine d’intervention de Boone Comenor (groupe Suez).
Pour Cléa Martinet, la réflexion sur la transformation des pratiques s’impose à l’échelle de l’industrie automobile : « On ne peut plus tout faire tout seul, il faut s’engager collectivement à l’échelle de la filière, s’aligner sur des méthodologies communes pour la mesure de la circularité et des impacts environnementaux… qui sont aussi encore à imaginer. »
La prise en compte de l’impact carbone, de ceux sur la biodiversité et de ceux sur la diminution des ressources s’avère cruciale pour réussir l’économie circulaire. « On est face à des enjeux de massification de matières à recycler et les constructeurs vont trouver leur salut seulement si on arrive à unifier les stocks à recycler, qu’il s’agisse de matières premières ou de batteries. », abonde Jean-Philippe Bahuaud. Reste donc à convaincre l’ensemble du secteur!